Investir sa santé mentale

le secret des indépendants

Coupe anatomique de neurones par Ramon et Cajal

Depuis que je m'intéresse au Yoga, je suis passionnée par les effets de la pratique sur notre santé mentale.

D'abord parce que le Yoga m'a aidé personnellement à gérer mon anxiété chronique. Quand je suis partie en Inde pour la première fois, j'étais de plus en plus envahie par des pensées compulsives. J'ai toujours été nerveuse. Après 3 ans dans la Tech parisienne, j'étais une pile électrique avec des disques rayés dans la tête. A Paris, j'ai suivi une psychothérapie qui m'avait créé encore plus de nœuds au cerveau.
En Inde j'ai découvert une approche fonctionnelle qui m'a apaisé physiquement et mentalelement.
Aussi parce que, lors de mes 3 ans chez The Family, j'ai rencontré de nombreux entrepreneurs particulièrement vulnérables aux fluctuations mentales - dépression, anxiété, stress, obsessions - qui doivent gérer une réalité professionnelle souvent incertaine et chaotique. 

Depuis mon retour à Paris et le début de ma vie d'indépendante, j'ai vécu cet inconfort de l'incertitude professionnelle, avec plusieurs déménagements et changements de projets en partie du fait COVID.

A la différence de mes années The Family, j'avais cette fois-ci le sentiment d'être mieux armée face à l'adversité. Après un an de pratique et d'étude du Yoga à Goa, l'eldorado de détente et de liberté, j'avais accumulé suffisamment d'outils pour faire face à ces incertitudes et m'auto-réguler.

Alors réalité ou biais de confirmation ? 

J'ai voulu investiguer en interrogeant la référence sur le futur du travail indépendant.  La semaine dernière j'ai appelé Laetitia Vitaud pour avoir une conversation sur la santé mentale des indépendants.

Laetitia est passionnée par les réalités économiques des indépendants et les enjeux de santé mentale qui les accompagnent.

Laetitia, émue de signer son premier livre solo "Du labeur à l'ouvrage" aux éditions Calmann-Lévy...

Elle est elle-même passée par tous les statuts : après une grande école elle est devenue commerciale dans une société informatique, poste qu'elle a rapidement quitté pour enchaîner les petits jobs - serveuse, vendeuse en magasin, cours particuliers - avant de devenir fonctionnaire - professeure d'Anglais en classe prépa - puis de repasser par la case salariée, cette fois-ci dans une boîte Tech américaine. 

Elle est finalement devenue indépendante, un peu par nécessité économique, beaucoup par goût de la liberté.
Je voulais aussi interroger Laetitia sur la santé mentale (& physique) des indépendants parce qu'elle est une pratiquante assidue de Yoga et surtout de Jujitsu.

Dans cette newsletter, je vous retransmets quelques bribes de nos échanges : le statut d' indépendant et son lot d'inconforts mentaux, les avantages d'une approche pratique de la santé mentale, et les conseils de Laetitia pour trouver votre pratique.

Les indépendants, plus exposés à l'incertitude

Nul besoin de sauver des vies pour être stressé. 

L'incertitude est l'un des premiers facteurs d'anxiété, on a tous pu le constater dans cette période particulière de pandémie. Et l'incertitude est une réalité à laquelle les indépendants sont plus souvent exposés que les salariés : contrats aléatoires, périodes de creux professionnels, revenus fluctuants, qui s'accompagnent parfois d'une précarité financière. 

C'est aux indépendants de faire l'interface entre cette situation professionnelle incertaine et les échéances du quotidien - loyer, charges urssaf, etc.

Laetitia connaît bien cette incertitude. En 2015 quand elle quitte son travail à Londres pour se lancer à son compte, elle se retrouve sans chômage, avec seulement deux mois de salaires, une famille à charge, et encore tout à construire. Depuis elle est devenue pour beaucoup la référence francophone sur le Futur de travail : elle écrit régulièrement pour Welcome to the Jungle et l’Institut Montaigne, a créé deux podcasts Nouveau Départ et Building Bridges avec son conjoint Nicolas Colin, co-fondateur de The Family, et lancé sa newsletter Laetitia@Work, qui propose une approche féministe du futur du travail. 
Mais même si elle dégage aujourd'hui des  revenus réguliers, Laetitia a conscience de l'éternelle fragilité de sa situation.

"C'est le grand paradoxe des indépendants et de leur bien-être au travail : on est à la fois plus heureux parce qu'on est plus libre mais aussi plus anxieux parce qu'on est plus libre." raconte Laetitia.

Si on ne peut pas contrôler cette incertitude extérieure, on peut développer sa capacité à gérer cette incertitude. On peut développer ce que Laetitia appelle "l'uncertainty mindset" - The Uncertainty Mindset & The Future of Work.

En tant qu'indépendant vous êtes votre première ressource : vous pouvez compter essentiellement sur vous-même. Le meilleur investissement que vous puissiez faire c'est vous, votre corps et votre esprit. 

Santé mentale, l'approche pratique

Quand elle commence sa carrière dans une société informatique, Laetitia traverse une profonde dépression. "Tu vois tout en noir" témoigne t'elle dans son interview sur le podcast de Thomas Burbidge, Young Wild and Freelance. On lui propose des antidépresseurs mais Laetitia préfère une méthode intérieure et naturelle. Elle se tourne alors vers le Jujitsu qu'elle pratique 15 heures par semaine.

Petit à petit, à force de Mawashis - coup de pieds circulaires et de Teisho-Ushi - coup de la paume de main, elle retrouve le bon mix hormonal pour se sentir heureuse.

Laetitia (à gauche) lors de son passage de son deuxième Dan, il y a 11 ans

Surtout, grâce à l'alignement, au rythme, à la chorégraphie des mouvements, elle acquiert une maîtrise mentale et corporelle qui lui donne durablement confiance en elle. 

"Quand je débarque sur mon tatami dans mon kimono, je suis prête à affronter n'importe quoi. Je me sens forte, j'ai la bonne posture. On reconnaît tout de suite les gradés à leur posture et leur attitude corporelle."

La santé mentale, c'est un investissement à long terme. Même si elle ne pratique plus le Jujitsu aussi régulièrement, Laetitia capitalise sur cette grammaire corporelle qui lui a appris à se défendre, à jouer avec et contre les autres. Plus tard, elle a découvert le Yoga qui a enrichi sa compréhension de son fonctionnement mental et corporel. 

"Ces deux pratiques me guideront toute ma vie. Le Yoga et le Jujitsu sont au corps et à l'esprit ce que le solfège est à la musique, ça me permet de jouer plein d'instruments. Aujourd'hui je fais surtout de la randonnée en montagne et du gainage."

Bonne nouvelle ! Pas besoin de faire une dépression ou un burnout pour se mettre à bouger.

Laetitia conseille aux jeunes indépendants de trouver la pratique corporelle qui leur fait du bien. "Il y autant d'écoles et de pratiques qu'il y a de morphologies et de formes d'intelligences."

Trouver sa pratique (et s'y tenir)

Quand on est indépendant on peut cadrer sa vie comme on le souhaite. On peut choisir son rythme. 

Laetitia recommande d'explorer différentes pratiques. Ensuite il y a autant de pratiques qui fonctionnent que d'indépendants : pour certains c'est le skate, pour d'autres le Surf comme mon amie Marguerite (Boutrolle),  graphiste indépendante et mordue des vagues depuis l'été dernier, ou même le football comme Thomas (Burbidge) qui profite de son emménagement à la campagne pour se réinscrire dans son club d'enfance.

Une fois qu'on a trouvé sa pratique, mieux vaut s'y tenir pour faire des progrès. Selon moi c'est grâce à cette discipline qu'on se sent vraiment libre.

Impeccable Sirsasana - inversion sur la tête - de Laetitia

Laetitia s'est entichée du Jujitsu et du Yoga parce que ce sont deux disciplines qui vont au-delà du sport : ce sont des philosophies pratiques qui apportent aussi une compréhension de soi et de l'autre. 
"J'aime aussi leurs univers émotionnels et visuels."

Moi je suis mordue de Yoga, et des traditions dans lesquelles il baigne. Je suis tombée dans la marmite en voyageant en Inde et au Népal, à la rencontre de maîtres qui m'ont bouleversé.

C'est ce que j'aimerais vous transmettre dans l'école Sadhana : des routines pratiques pour vous accompagner au quotidien, une dose d'inspiration indienne, et quelques notions sur votre fonctionnement mental et physique. 

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