Parole aux pratiquant.es - Erfane
Erfane nous a rendu visite à la Roche-Guyon en mai dernier. Fondateur d'une entreprise de Biotech et père de deux enfants, Erfane a beaucoup de choses à faire et peu de place pour s'évader. Quand il confie ce trop plein mental à son ami et advisor Radouane Kharbichi, ce dernier lui conseille le Yoga. Il lui recommande un stage à l'école Sadhana, où il pourra s'initier à la pratique - postures, respirations, méditation - et comprendre les effets des pratiques sur le corps et le système nerveux. Erfane est rassuré par cette approche scientifique. Il est aussi curieux d'en apprendre plus sur le monde du Yoga, loin de son quotidien parisien.
De l'angoisse existentielle à l'angoisse pathologique
Après des études d'ingénierie, Erfane se lance dans une carrière en banque. Il a tout ce dont il avait toujours rêvé : le prestige, la sécurité, l'argent. Il faut dire qu'Erfane a été élevé par un père d'origine Syrienne et une mère Bretonne qui rêvent leur fils en "Arabe du Futur". Pourtant, au milieu des cadres sups en costards cravate, Erfane ressent un profond malaise. Devant son bureau dans la salle de trading, il se demande ce qu'il fait là. Aujourd'hui on parlerait de dissonance cognitive. Lors d'une présentation sur la réglementation Bâle II où les animateurs semblent s'ennuyer eux-même, Erfane décide qu'il est temps de changer. Après 4 ans chez Axa, il décide de faire face à son angoisse existentielle : il quitte l'entreprise pour créer la sienne.Il se choisit des valeurs - le travail, la loyauté, la liberté - et un nouveau mode de vie : l'entrepreneuriat.
La première entreprise d'Erfane s'appuie sur son expérience corporate : Nanocloud Software aide les grandes entreprises à transformer leur logiciel en Saas - software as a service. Erfane se sent aligné : son travail est au service de ses objectifs de vie. C'est la première fois qu'il s'intéresse sincèrement à ce qu'il fait. Pourtant après cinq années de dur labeur, Erfane est rattrapé par l'anxiété. Accablé par des problèmes humains de plus en plus complexes - management, recrutement, gestion d'egos - Erfane souffre de grosses migraines et d'un mal de dos terrassant. Quand il n'est plus capable de travailler, Erfane part se mettre au vert avec une pile d'ouvrages de dev perso.Tout le monde n'a pas eu la chance de rater ses études, Start with why, Solve for happy, Zero to One… il dévore la bibliothèque de réalisation du soi des gourous américains. décide de s'intéresser pour la première fois à son enveloppe corporelle. Il commence une routine de mouvements simples inspirés de la kinésithérapie qui soulage ses douleurs lombaires. Erfane découvre aussi les bienfaits de la respiration avec la sophrologie.
Cette routine - en sanskrit on parlerait de Sadhana - l'accompagne encore dans son quotidien d'entrepreneur.
Une angoisse résiduelle en bruit de fond
Quand je rencontre Erfane il en est à sa 3ème aventure entrepreneuriale : Biomemory développe une solution de stockage pour encoder les données sur ADN artificiel. La densité de stockage est 1 à 10 millions de fois supérieure aux solutions existantes - SSD, bandes magnétiques - et ne consomme pas d'énergie. Fort de ses précédentes expériences, Erfane ne se laisse plus impressionner par les galères entrepreneuriales. Il sait recruter, lever des fonds, et parler aux médias. Il sait surtout très bien s'organiser. Il reste pourtant une angoisse à Erfane. C'est comme un bruit de fond qui l'accompagne toute la journée. Erfane a lu beaucoup de livres de parentalité. Il parle avec sa mère tous les jours de la maladie incurable de son père. Il dédie sa vie professionnelle à la réduction de l'empreinte carbone numérique.
Pourtant il s'inquiète pour ses enfants, la santé de ses aînés et l'avenir de la planète.
Il s'inquiète… parce qu'il ne peut pas tout contrôler. Quand je lui demande ce qu'il retient de son expérience à la Roche-Guyon, Erfane évoque deux postures de Yoga - Ardha Matsyendrasana et Namaskarasana - qu'il aimerait rajouter à sa routine matinale et une technique de respiration - la respiration alternée - qui l'accompagne dans les moments les plus stressants de sa vie d'entrepreneur, notamment son talon d'achille : la prise de parole en public. (Même si nous on y voit que du feu dans son interview sur Smart Tech…)
Ardha Matsyendrasana, la posture fétiche d'Erfane. L'étirement des aines libère les lombaires et soulage le bas du dos.
Et surtout les rencontres. Erfane a passé deux jours entouré d'activistes écologistes, de travailleurs humanitaires, d'entrepreneurs sociaux et de fondateurs indépendants.
Attentifs à leurs besoins, souvent éco-anxieux, toujours à la recherche de sens, ils naviguent à vue dans un monde incertain.
L'ancien banquier les aurait jugés fragiles. Aujourd'hui Erfane est déconcerté par ce mélange d'hyper-sensibilité, de clairvoyance et de liberté.
Le Yoga repose sur trois piliers - Tapasya, Swadyaya, Ishwar Pranidhana.Tapasya c'est la discipline : les petits efforts quotidiens qu'on déploie pour atteindre ses objectifs. On peut dire qu'Erfane maîtrise plutôt bien. Swadhyaya c'est l'étude de soi : l'examen rigoureux de son activité mentale et de ses biais cognitifs. En cette matière Erfane excelle également : l'entrepreneuriat exige une grande lucidité sur ses erreurs de raisonnement et d'exécution.
Le dernier pilier c'est le lâcher prise. C'est accepter qu'on ne maîtrise ni son destin ni son environnement. C'est observer que le libre arbitre est limité. C'est se contenter de qui on est déjà et de petits changements à la marge. C'est se concentrer sur ce qu'on peut faire et accepter ses propres limites.
A table on parle engagement, philo, entrepreneuriat…Les discussions sont souvent 🔥. Pour compenser on mange Sattvic - sans ail et piment.
Tout ça, on l'a évoqué en cours de philosophie du Yoga. Mais ce qui l'a rendu bien réel, ce sont ces rencontres avec les autres membres du groupe qui incarnent cette philosophie. C'est Clémentine qui se lance dans l'éco-conception après de brillantes études d'arts appliqué, c'est Marie qui ramène le Yoga et la naturopathie dans son métier d'Office Manager, c'est Thomas qui n'a pas peur de mélanger compassion et business, c'est Nathalie qui change de travail après 40 ans dans la même entreprise, c'est Ombeline qui convainc les RSE d'entreprises de s'engager dans l'associatif, c'est Camille qui pousse l'industrie textile à s'approvisionner en matières responsables, c'est Juliette se bat pour l'égalité et l'inclusivité au Tchad, c'est Noémie qui raconte les histoires d'indés entrepreneurs qui vivent de leur passion, c'est Anastasia qui aide des startups de santé mentale à grandir sur les réseaux.
Contre vents et marées, la Sangha - en Sanskrit communauté Yogi - se serre les coudes pour changer la réalité, goutte après goutte, tout en subissant la violence d'un monde qui ne leur convient pas.
"J'étais venu trouver le repos. Je repars les épaules ouvertes, le coeur aligné et la tête dans les étoiles ! Je reviendrai tous les semestres : les weekends Sadhana c'est la dose d'inspiration dont j'ai besoin tous les 6 mois pour maintenir un rythme soutenu à Paris"
témoigne Erfane
En octobre il viendra au weekend intensif Transformer l’anxiété pour s'initier à l'Ashtanga, une pratique intensive qui apporte un état de calme profond idéal pour entreprendre.
La maison sur pilotis : un refuge pour les guerriers du nouveau monde qui viennent s'inspirer et réfléchir dans l'écrin du Vexin
